Le jour déclinait lentement à l'horizon. C'était le moment de la journée que préférait Antarès, lieutenant dans le clan des Purgateurs sous les ordres de Garbiele Verlassen. Lorsque la ville commençait à se fatiguer, le rythme de la vie se faisant de plus en plus somnolent, lorsque les gens qui passaient ne faisaient plus attention à autre chose qu'à leur chemin afin de retrouver leur chez eux confortable, lorsque le disque de lumière disparaissait dans un magnifique dégradé d'orange et de rouge. Antarès aimait observer le coucher du soleil depuis la forêt, mais aujourd'hui, contrariée comme elle l'était, la mairie lui était apparue comme le meilleur lieu pour passer cette fin de journée.
Nerveusement, elle envoya valser une chaise renversée hors de son chemin alors qu'elle pénétrait dans la salle du congrès de la mairie. En général, quand elle avait besoin de calmer ses nerfs, c'était à la mairie, et plus précisément dans la salle du congrès, qu'elle se rendait. Les murs craquelés et humides étaient par endroit parcourus de lierre sauvage, étrange quand on savait que la salle du congrès se trouvait au premier étage ; il y avait des mauvaises herbes qui transerçaient le plancher et le papier peint décollé portait des marques de griffures furieuses. Les chaises étaient pour la plupart renversées, et la table était déjà en piteux état, enserrée dans quelques lianes de lierre. Le parquet craqua sous les talons de la jeune femme lorsqu'elle franchit le pas de la porte, Zarcan, son aigle royal, sur son épaule.
" Crétins... ", marmonna Antarès, les dents serrées.
Elle sentait encore la présence de son père, membre du Conseil municipal de son vivant, dans cette pièce dans laquelle se décidait tant de choses qui n'avaient jamais eu pour objet que le bien-être de ces stupides humains. Antarès se dirigea vers une chaise bien plus endommagée que les autres, et rageusement, elle arracha le dernier pied du meuble qui n'avait jamais rien fait d'autre que supporter le poids de Sparte Valentine.
Antarès s'acharna encore quelques instants sur les murs et les meubles, faisant pousser un peu plus de végétation dans cette salle désolée, avant de s'installer derrière le bureau de la secrétaire, séparée de la longue table de congrès, ouvrit un tiroir du bureau et y prit des papiers jaunis par le temps, qu'elle posa devant elle. Puis, en silence, elle se remit à les étudier.